LOTISSEMENT - PERENNITE DES CAHIERS DES CHARGES

CE QUE PREVOIT LA LOI
La réglementation concernant les lotis­sements résulte initialement de deux lois du 14 mars 1919 et du 19 juillet 1924 qui ont doté ces divisions foncières de divers documents obligatoires et les ont soumises à autorisation. Leur régime juridique a d'abord été cristallisé dans le cahier des charges, contenant alors des clauses de différentes natures.
Il pouvait contenir des dispositions de nature réglementaire s'imposant à l'admi­nistration, lorsqu'il avait été approuvé par l'autorité administrative. La Cour de cassation privilégiait de son côté la nature du document et non celle de la clause: le cahier des charges, approuvé ou non, avait toujours, entre les colotis, un caractère contractuel (Cass., 3e civ., 11 janvier 1995, «Epx Thuillier»). Plus tard, le régle­ment, qui ne devait contenir que des règles d'urbanisme et faisait l'objet d'une appro­bation de l'administration, a été créé.
Enfin, la loi  du 6 janvier 1986 a institué un principe de caducité des règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement. Ces règles d'urbanisme devaient ainsi cesser de s'ap­pliquer au terme d'un délai de dix ans à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement était couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
Même si cette position ne fait pas l'unani­mité, il apparaît, à la lecture de certains ouvrages, que les lotissements postérieurs à 1924 et ceux expressément «autorisés» à partir de 1919, seraient concernés par la cadu­cité, les règles renvoyant en effet à la notion assez large d'«autorisation de lotir» .
Malgré cette loi, la Cour de cassation, qui reconnaît une valeur contractuelle aux dis­positions de toutes natures contenues dans les cahiers des charges, approuvés ou non, a refusé d'appliquer ce principe de caducité, de sorte que les règles d'urbanisme du lotis­sement, bien que non invocables devant la juridiction administrative, continuaient de l'être devant le juge judiciaire, pouvant ainsi faire échec à la réalisation de projets pourtant conformes aux documents d'urbanisme locaux (​​​​​​Cass., 3' civ., 22 mai 1996, n°93-19.462.). Cette jurisprudence de la Cour de cassation validait ainsi la pratique dite de la «contractualisation des règles d'urbanisme». C'est dans ce contexte que le législateur a, en 2014, une nouvelle fois tenté de remettre en cause la position de la haute juridiction.
 L'article L. 442-9 du code de l'urbanisme institué par la loi «Alur» a ainsi été modifié dans le but de «supprimer défi­nitivement des règles identifiées comme des obstacles majeurs à ses objectifs»  telles que les clauses réglementaires, mais également les clauses contractuelles, que le législateur souhaite voir disparaître. L
e législateur a entendu établir définitive­ment  que :
  • les règles d'urbanisme, c'est-à-dire les clauses réglementaires des cahiers des charges, quel que soit le document dans lequel elles sont consignées, sont caduques à l'issue d'un délai de dix ans passé l'obten­tion de l'autorisation de lotir;
  • les dispositions contenues dans un cahier des charges non approuvé, qui ne sont pas susceptibles d'être qualifiées de règles d'urbanisme, mais qui pourraient avoir pour objet ou pour effet de s'opposer à la mise en œuvre d'un projet, cessent de s'appliquer dans les cinq ans de l'entrée en vigueur de la loi «Alur» (soit le 26 mars 2019)
Le champ d'application de la caducité est ici particulièrement large, puisque la loi vise également les clauses qui affectent l'usage et la destination de l'immeuble, c'est-à-dire la quasi-totalité des clauses. Les autres clauses du cahier des charges, qui sont en principe peu nombreuses, tant les deux premières catégories sont extensives, sont maintenues par la loi «Alur».
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CE QUE DIT LA COUR DE CASSATION

Par une décision du 21 janvier 2016, la Cour de cassation ( ​​​​​​Cass., 3e civ., 21 janvier 2016)  a cependant confirmé la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Arrêt n°2014/821,13 novembre 2014) qui avait considéré que le cahier des charges, document contractuel, s'imposait aux colo­tis, nonobstant les dispositions relatives à la caducité. La haute juridiction ajoute les termes «quelle que soit sa date», ce qui semble signifier que la Cour confirme sa jurisprudence antérieure, aux termes de laquelle les règles d'urbanisme contenues dans le cahier des charges restent contrac­tuelles, et par suite applicables et oppo­sables devant le juge judiciaire, tant que ce document est en vigueur. 

CE QUE DIT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

 Le Conseil Constitutionnel (QPC n° 2018-740 du 19/10/2018) à l’aune du principe constitutionnel de la liberté contractuelle, s'est prononcé quant à la modification des  règles contenues dans les cahiers des charges de lotissement en précisant que :
1°/ la procédure de l’art. L. 442-10 du code de l'Urbanisme fixant les règles de modifications des cahiers des charges du lotissement, mêlant majorité qualifiée et intervention de l’autorité d’urbanisme, couvre « uniquement la modification des clauses des cahier des charges, approuvés ou non, qui contiennent des règles d’urbanisme. Elles ne permettent donc pas de modifier des clauses étrangères à cet objet, intéressant les seuls colotis »
 2°/en application du principe de liberté contractuelle, la modification des clauses « purement contractuelles » suppose par défaut l’approbation unanime des colotis.

Ceci a été confirmé par l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (pourv. n°18-14003). https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038734160/

On ne saurait donc, compte tenu de ce durcissement de la jurisprudence, nos clients à être prudents et à minima de respecter les dispositions des cahiers des charges ou  de procéder à une modification du cahier des charges, conformément à l'article L.442-10 du Code de l'urba­nisme, modifié par la loi «Alur» de 2014.
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